Ahmed Shah Massoud

Publié le par albertoperegrino

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L’apparence est trompeuse et piège parfois, souvent, le cœur d’un homme intègre. Christophe de Ponfilly, journaliste français au travail prolifique, désabusé de la civilisation occidentale, a couvert avec passion et amour une partie de l’Histoire Afghane, depuis la guerre contre les soviétiques en 1979, jusqu’aux guerres civiles, le temps des déchirements fratricides, pour finir avec la guerre contre les Talibans, et la mort d’Ahmad Shah Massoud le 9 septembre 2001. Christophe de Ponfilly durant ses années de reportage en Afghanistan devint l’ami de Massoud, et le suivit au cours de son quotidien rythmé par la guerre, son commandement, ses temps de calme, de repos auprès de ses proches et fidèles amis, les repas parfois silencieux, souvent chaleureux, parfois animés de conversations graves, la lecture de poésies  que Massoud ressentait au plus profond de ses entrailles, comme un écho de sa philosophie, qu’il avait envie de partager, ces discussions interminables dans un paysage à la fois idyllique et sec, grandiose, parfois lunaire, à la fois au centre de tous les intérêts des grandes puissances, à la croisée des chemins, et coupé du monde : L’Afghanistan.

Dans son documentaire Massoud l’Afghan, Christophe de Ponfilly dresse le portrait de son ami de 20 ans pendant sa lutte en 1997 contre les talibans. Le documentaire est beau, grave, en filigrane, un homme en quelque sorte en rupture avec la société occidentale, un homme amoureux de l’Afghanistan, et de Massoud, des coutumes, de la manière de vivre de ces tribus afghanes, humbles, respectueuses des anciens, cette convivialité tangible, cet éternel optimisme, ces sourires fatigués. Christophe de Ponfilly est cet homme amoureux, qui esquisse inconsciemment un deuxième portrait : le sien. Un être sensible, désabusé, qui s’est tout de suite compris dans Ahmad Shah Massoud. Dans son documentaire, une fois regardé, nous tombons irrésistiblement dans la compassion et nous tombons amoureux du personnage de Massoud, comme Ponfilly. Emblématique dans les pays occidentaux, surtout en France, Massoud est perçu comme un homme éclairé, tenant d’un islam progressiste et tolérant, et comme un résistant infatigable face à l’oppression russe et aux forces obscurantistes que représentent les talibans. On le nomme « le Lion du Panshir », de part ces nombreux faits d’armes, ses victoires, et, son opiniâtreté. Un homme charismatique, une grande âme, en somme, qui sonne comme une légende. Mais la réalité semble toujours moins reluisante. Le monde n’est jamais ni noir ni blanc. Ou ceux qui sont totalement blancs sont d’une rareté, ou les exceptions qui confirment cette triste règle.

Massoud ne serait pas l’homme décrit par les médias occidentaux et Christophe de Ponfilly, aveuglé par son amour fraternel qu’il porte envers lui. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, et son objectivité journalistique semble irrémédiablement altéré, faussé. Ce documentaire, enrichissant, beau, émouvant, serait plus de l’ordre de l’intimiste, du lyrisme, que du journalisme. Les travers d’Ahmad Shah Massoud sont tus, passés sous silence. Les occidentaux, et surtout la France, sont dans cet aveuglement devant un homme qui a été ce qu’il a toujours été, c’est-à-dire un seigneur de guerre Tadjik. Moi-même, je m’étais fait piéger par ce documentaire plein de beauté, d’admiration, de passion pour Massoud et son peuple, et de compassion pour l’Afghanistan, pays déchiré et tragique, incessamment en guerre depuis des décennies. Un jour, j’ai parlé à un ami de ce documentaire et de mon enthousiasme envers celui-ci, et il s’était montré quelque peu circonspect, en me disant combien Massoud était un personnage controversé et pas si éclairé et bon que le prétendait les voies politiciennes françaises les plus vives et les plus visibles, et de l’opinion publique en général dans notre pays, mais aussi du documentaire de Ponfilly. Profondément déçu, j’ai voulu vérifier ses dires. Impossible de les recouper dans les livres sur Massoud publiés en France, ils sont tous plus ou moins élogieux envers le lion du Panshir. Les encyclopédies françaises ne ternissent pas d’éloges non plus. J’ai choisi alors d’attaquer internet.

D’abord, deux sites, Archives solidaires.org et Rawa.org. Le premier site, il y a un article intitulé « Faut-il pleurer le commandant Massoud ? » qui cite des sources plutôt fiables, tel qu’un dossier du Monde, « L’Afghanistan sous la menace »  journal français connu pour son sérieux professionnel. Le deuxième site, Rawa.org, qui signifie Association révolutionnaire des femmes d’Afghanistan en français, remet foncièrement en question l’image répandue et erronée du Commandant Massoud en Occident, et de l’encouragement des parlementaires français notamment à lui attribuer le prix Nobel de la Paix un an après sa mort. Sur ce site, de nombreux articles sont à charge contre Massoud et ses troupes, et leurs sources sont multiples, témoignages d’Afghans, articles de journaux ou de site d’information, telle que la BBC, Los Angeles Times, ou d’organisation non gouvernementale, comme Amnesty International ou Human Rights Watch, ou d’avis d’Historien.

Massoud était bel et bien un seigneur de guerre avant le poète, et n’était nullement un humaniste, car son esprit n’englobait pas toutes les ethnies d’Afghanistan pendant la guerre civile et a participé, qu’on le veuille ou non, au chaos du pays. Des accusations de massacre finissent de ternir ce combattant et ce stratège extraordinaire. Mais devant les faits, la France plus que tout autre pays, continue à nier la vérité, l’évidence, qui n’est pas belle à entendre, celle que finalement, Massoud, est un personnage au fondamentalisme religieux affirmé, à l’ethnicisme et à  l’autoritarisme qui l’ont amené à perpétrer des massacres de villageois, d’hommes, de femmes, d’enfants d’Hazaras, minorité qui constituent la mosaïque ethnique de l’Afghanistan. Les pachtounes, autres ethnies en conflit avec les Tadjiks, dont fait notamment partie les talibans, le nommèrent non sans raison le « boucher ». Homme de guerre donc, homme perverti par la guerre, plongé dans les conflits ethniques, il ne peut en aucun cas être considéré comme un artisan de la paix dans son pays. Son fondamentalisme religieux quant à lui, est corroboré à travers de multiples enquêtes, et défont l’image du libéral religieux que lui attribuait notamment les français. Sur les milliers d’heures de vidéos sur Massoud, nous ne voyons jamais sa femme, sa femme qui par ailleurs n’avait pas le droit de se montrer tête nue devant son propre frère. Puis, il a adhéré durant sa jeunesse au mouvement étudiant islamiste fondamentaliste à Kaboul dont le modèle était le mouvement des Frères musulmans en Egypte qui désire instaurer un Etat islamiste aux conceptions fort éloignées de la démocratie, et en outre fasciné par l’idéologie fasciste. Homme charismatique, francophone, résistant légendaire de la vallée du Panshir contre les troupes russes, il n’en reste pas moins que Massoud est un personnage controversé dont une image erronée de lui se répand sans faillir auprès des opinions occidentales. Christophe de Ponfilly n’est dès lors plus un journaliste, mais un français, et surtout un ami de Massoud, dont la subjectivité émotive est la seule expression. D’ailleurs, son amitié était tellement forte, qu’il se suicidera 5 ans après, béant déchirement face à la mort de son ami dont il ne se remettra véritablement jamais. La morale serait qu’il faut se méfier des héros déjà tout fait, et qu’une vérification préalable est nécessaire, multipliez les sources, si nous voulons connaître la vérité.

Une impression en guise de conclusion : « que dans nos sociétés d’aujourd’hui, il n’y a pas de vérités, il n’y a pas de mensonges, mais que tout est une question d’opinion ». (Jeffrey Goines avait raison) Triste impression.

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T
Massoud était le produit d'une société traditionnelle, dans laquelle les valeurs guerrières étaient centrales. Francophile, on l'a certainement idéalisé, en Occident et très peu aidé, mais de sa vallée du Panshir, il a farouchement résisté aux soviétiques et aux talibans. On ne peut pas lui enlever ça.
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